L’école du Jutland a encore frappée

Ces derniers temps Kenneth Toft-Hansen a une vie plutôt mouvementée (on ne dirait pas en le voyant si calme dans les allées du Sirha). Et le Bocuse d’or est partie intégrante de ces mouvements. Jugez-en plutôt.

En 2014 Kenneth, a 32 ans, le jeune chef se lance dans l’aventure du Bocuse d’or, poussé en cela par ses amis tous originaires du Jutland, Jeppe Foldager (Bocuse d’argent 2013) et Rasmus Kofoed, triple podium Bocuse 2007 – 2009 – 2011, qu’on ne présente plus. Ces chefs défendent et régionalisent ce qu’il est convenu d’appeler la New Nordic Cuisine faite de produits traditionnels locaux tirés des champs avoisinants et de la mer, leur mère-nourricière à ces Danois bénis des eaux. Kenneth remporte la deuxième place au Bocuse d’or Europe en mai 2014. C’est de bon augure, mais lors de la finale Monde en 2015, il passe au travers : que 6ème, après 5 podiums consécutifs. Malgré tout, une belle consolation : Kenneth file depuis peu le parfait amour avec la productrice d’un reportage tourné pour le Bocuse d’Or et qui deviendra son épouse.

Kenneth et son épouse achètent en 2015 un ancien hôtel construit en 1925, où la bourgeoisie des années-folles venait se reposer au calme des dunes, le Svinklov Badehotel. C’est le plus grand bâtiment à ossature bois du pays. Malheureusement ceci va lui être fatal, il brûle entièrement la nuit du 26 septembre 2016.

Coïncidence, à la même époque son ami Rasmus connaît aussi des déboires. Son restaurant, situé au 8ème étage d’un stade de football à Copenhague, premier triple étoilé du Danemark en février 2016 et qui se revendique 100 % bio, est épinglé le 29 septembre par l’autorité de sécurité alimentaire danoise pour violation des règles d’hygiène : fruits de mer conservés à des températures inadéquates, moisissures constatées sur les étagères et sur de l’ail mariné emballé ; l’affaire fait grand bruit car ce temple du luxe à 270 € le menu est un des fers de lance de la construction d’une identité culinaire devant hausser le panier touristique du Danemark ayant l’ambition de faire de la cuisine une vitrine du pays. C’est d’ailleurs ce qui se joue à l’échelle du Bocuse d’or à coup de lobbying et de communication.

Ce sont beaucoup de soucis pour Kenneth et celui dont il va faire son coach pour rempiler au plus difficile concours culinaire, mais peut-être aussi une motivation supplémentaire dans l’adversité. En juin 2018 le duo imprime sa marque au Bocuse d’Or Europe en Italie, mais surclassé par la Norvège, fait troisième. Rien de fatal, c’est un bon tremplin pour la suite, il reste encore sept mois pour peaufiner ; l’hôtel-restaurant toujours en reconstruction, les deux compères préparent donc l’étape suivante : le coach, bête de concours, connaît la musique et déclare à qui veut l’entendre : « le Bocuse d’or, il faut tout quitter pour se centrer uniquement dessus« . Et le résultat à la hauteur, le Danemark rafle tout lors de la finale mondiale à Lyon, y compris le prix du meilleur commis (Christian WELLENDORF KLEINERT) et ramène le trophée sous les yeux du prince en tribune. Ci-dessous Toft-Hansen laissant éclater sa joie. Des années de pression qui sortent d’un coup, les soupapes lâchent.

Crédit photo Julien Bouvier studio

A ce jour les « gars » du Jutland auront apporté 5 des 6 podiums du Bocuse d’or de leur pays (en 18 participations). L’histoire est belle. A tout jamais elle aura partie liée avec celle du concours grâce auquel Kenneth Toft-Hansen est à présent reconnu, a trouvé femme et va bientôt devenir papa…

 

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