Insuffisamment mis en lumière, le rôle du commis dans l’épreuve-reine de cuisine artistique transparaît au gré de cet éclairage de Saga-bocusedor.com sur Benjamin Vakanas, meilleur commis du monde 2017.
Le commis a un rôle majeur dans l’équipe, c’est lui qui s’occupe souvent des garnitures, il doit se conformer aux mêmes règles et la même rigueur que son chef d’équipe. Pour la plupart très jeunes, ils font montre d’un sang-froid à chaque fois impressionnant. La dernière fois que la France avait obtenu ce satisfecit c’était au Bocuse d’or Europe 2012 avec Julie Lhumeau (classement général 5ème aussi, comme en 2017).
Le lauréat Benjamin Vakanas, 22 ans est diplômé de l’ESCOM NICE, où il a obtenu en 2014 son Bac professionnel et CAP Cuisine, Cuisine et arts culinaires apparentés.
Saga BO : Monsieur Vakanas, racontez-nous comment s’est passé votre intégration dans l’équipe de France du Bocuse d’Or ?
Au 1er avril 2016 je suis rentré en tant que commis de cuisine dans le restaurant le Domaine de Riberach auprès du Chef Laurent Lemal Bocuse D’or France 2016. Sa commis au Bocuse D’Or étant Léa Fageol ; rien ne présage que je la remplacerai.
Aux alentours du 20 septembre Laurent Lemal me demande si je veux bien l’accompagner dans l’aventure du Bocuse d’or en tant que commis. Sans réfléchir j’accepte, mon rêve de jeune cuisinier de pouvoir un jour concourir au Bocuse d’or se réalise.
De là débutent les entraînements. Je découvre donc un nouveau monde dans la gastronomie : la recherche, les essais, le goût, la création, les rencontres avec de nombreux chefs étoilés et MOF. Avec Laurent nous sommes partis régulièrement à Paris chez Lenôtre afin de rencontrer les chefs Guy Krenzer et Fabrice Brunet. Ils nous ont conseillé et aiguillé sur l’élaboration des recettes.
Une à deux fois par semaine nous retrouvons notre coach Franck Putelat ainsi que Fabien Lefebvre, Jean Luc Danjou et Olivier Bajard qui nous ont également beaucoup aidés.
Bocuse d’or J-60
A deux mois de la compétition le rythme s’accélère et nous enchaînons les essais avec la mise au point des recettes et les entraînements « complets ». Cet entraînement nous permettait de rentrer dans les conditions réelles du concours. A ce moment-là la pression commence à monter et je commence à réaliser le véritable enjeu de ce concours. 5h35 en cuisine c’est long ! Il faut s’habituer au temps, au bruit, au stress et connaître nos recettes par cœur. Les entraînements s’enchainent suivis du nettoyage du box, le rangement, les pesées… Le 24 janvier approche, il faut tenir le rythme!
Bocuse d’or J-1
Cette fameuse date arrive enfin. On prépare soigneusement toutes nos affaires, on charge le matériel dans le camion et nous voilà partis pour Lyon.
Arrivés à l’hôtel, on se retrouve avec tous nos concurrents, ambiance particulière étant donné que nous sommes les Français ; on se sent un peu observés, la compétition commence.
Le 23 janvier, arrivée au Sirha. Distribution des vestes officielles, réunions sur l’organisation du Bocuse D’or, épreuve du marché et mise en place du box qui se finit à 23h… La nuit fut courte : 4-5h de sommeil.
Jour du concours
Nous sommes le 24 au matin ; rendez-vous à 6h00 pour prendre un petit déjeuner. 6h30 : départ ; le stress monte. Sur le trajet on ne parle pas beaucoup avec Laurent on est déjà concentré sur ce que l’on doit faire. On se retrouve ensuite dans une salle avec tous les candidats du jour, de-là démarre le compte à rebours. Toutes les 15 minutes une équipe est appelée.
8H00 c’est à nous ! Nous avons 1h pour rencontrer notre commis d’un jour, récupérer nos produits et se mettre en place dans notre box. Les spectateurs sont déjà là et il y a de plus en plus de bruit.
9H00 c’est parti pour 5H35 d’épreuve tout se passe bien, on sait ce que l’on a à faire. Il y a un beaucoup de bruit, difficile de communiquer avec Laurent, on ne s’entend pas. Il est 14h et on envoie notre plat 100% végétal, pas le temps de dire ouf qu’il faut se préparer pour envoyer la volaille aux écrevisses. 5H35 d’épreuve et on envoie enfin notre plateau. On l’a fait, on a tout envoyé comme on voulait. J’ai comme un énorme poids qui s’enlève de mes épaules. Pour la première fois depuis 5H35 je lève les yeux vers le public et là je me dis qu’il y énormément de monde. Nous rangeons vite notre box, le Bocuse d’or c’est fini !! Il n’y a plus qu’à attendre les résultats.
25 janvier
La journée du 25 fut particulière, nous avons enchaîné les photos et les interviews. Nous recevons de nombreuses félicitations pour ce que l’on a fait. C’était super.
Les résultats approchent et la cérémonie commence. Ce furent les minutes les plus longues de ma vie. Je n’avais jamais ressenti un tel niveau de stress. Nous arrivons sur la scène et là on découvre une foule monstrueuse avec les drapeaux de tous les pays c’était magnifique.
L’annonce des résultats arrive avec l’annonce de la meilleure affiche, la meilleure promotion suivi du meilleur commis. Au fond de moi j’espérais tellement repartir avec ce titre mais n’ayant pas participé au Bocuse France et Europe mais vu le niveau de tous les commis je me suis dit que c’était impensable.
L’annonce retentit et j’entends la FRANCE !! Je ne comprends pas, je regarde Laurent et il me dit: « Benjamin vas-y ! Je crois que c’est pour toi. » Je ne réalise pas, j’entends la Marseillaise, je suis submergé par les larmes et la joie, ce fut le plus beau moment de ma vie. C’est une sensation exceptionnelle d’être soutenu par son pays.
La remise des prix continue, le végétal ; nous espérons ne pas avoir ce prix sinon on savait que le podium n’était plus possible. La France est annoncée, un sentiment de joie et de déception s’installent dans le clan français. Sur le coup j’ai eu beaucoup de mal à réagir à cette annonce ; j’étais très content pour mon prix et en même temps très déçu que mon chef ne soit pas sur le podium, il le méritait tellement.
Je retrouve ma copine en pleurs, qui me saute dans les bras qui me dit qu’elle est si fière de moi, ma famille, mes amis me félicitent. De nombreux grands chefs viennent eux aussi me voir pour me féliciter.
Quand la pression retombe je réalise ce que l’on a accompli. On repart de Lyon avec deux prix : pour mon chef la meilleure assiette végétale et pour moi le prix du meilleur commis. Nous sommes très satisfaits de ce que l’on a réalisé car nous avons donné le meilleur de nous-même, on ne pouvait pas faire mieux.
Ce fut la plus belle et la plus dure expérience de toute ma vie. Au-delà de la cuisine j’ai appris beaucoup de choses sur moi-même, sur les gens, sur la vie. J’ai fait des rencontres exceptionnelles comme celle de Laurent et de Julie sa femme. Ce sont tous deux des personnes formidables, et je tiens surtout à remercier mon chef Laurent car il m’a donné l’opportunité de participer à cette formidable expérience.
Merci Monsieur Vakanas et bonne chance pour la suite, peut-être un jour à nouveau dans un box de concours 🙂 ?